la griffe du chien 🐶 wouf

La marginalité

Il fût une époque où la marginalité était rare. Chiot parmi les bambins, je me sentais souvent à part, voire hypocrite. « Mais que font les autres? » me demandais-je sans cesse. « Comment peuvent-ils participer à cette pièce de théâtre nommée devenir quelqu’un? Le font-ils comme moi, par humour sarcastique? Ou prennent-ils part à cette tromperie avec sérieux? »

Mais un beau matin, être marginal est devenu à la mode. Être à part est devenu un symbole de statut social! On se démarque désormais comme on le peut, que ce soit par notre voiture, nos expériences ou nos tatouages.

Je n’ai pas l’intention de ridiculiser cette nouvelle mode, mais elle renferme une grande ironie : il est maintenant marginal d’être normal. En connaissez-vous un seul qui n’est pas tatoué? Qui n’a aucune photo aux  côtés d’une célébrité? Qui ne soit pas avide de « voyages et de culture locale »? Je vous l’annonce, la nouvelle marginalité est sobre, calme et réservée.

Que l’on n’essaie pas pour autant de forcer un chiot naturellement marginal à devenir normal! Cela est non seulement impossible, mais cette censure nous priverait de ses qualités rares et uniques. Mais n’oublions pas que le contraire est aussi odieux. Forcer un chiot normal à devenir marginal : voilà un véritable crime.

Certains croient que nous devrions tous être créatifs et originaux. « C’est l’état naturel du bambin » proclament-ils, les yeux rêveurs. Ironiquement, leur idée de « l’enfant de nature » est peu créative:

« Libre, cet enfant adorera parcourir l’herbe fraîche, se salir les mains et offrir du pain aux plus démunis. Tous ses gestes seront une expression d’authenticité et d’amour. Protégé de l’influence corrosive du capitalisme, il sera souriant, confiant et enjoué. »

Qu’il en déplaise à certains, tous ne sont pas originaux, à moins que l’on rabaisse l’originalité si bas qu’elle ne signifie plus rien. Mais il en est ainsi de toutes les caractéristiques: si nous étions tous grands, plus personne ne le serait.



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