Le Chien aimait tant voyager qu’il a cherché à en faire son mode de vie. C’est ainsi qu’il a réalisé que la vie de voyageur n’était qu’un mirage.
Ceux qui idolâtrent le voyage sont ceux qui n’ont pas voyagé assez longtemps.
Le voyage fait rêver ; j’y ai tant rêvé! L’idée de l’aventurier sans destination me séduisait, et essayer ce mode de vie m’a bien plu. Pendant quelques années, j’ai ainsi vagabondé. Par le voyage, j’ai exploré le divertissement et le dépaysement. Enivré par le voyage, je me suis amusé et j’ai rencontré de merveilleuses personnes, même quelques autres chiens.
J’ai eu la chance de voyager sans billet de retour ; aucun devoir ne me rappelait chez moi. En vérité, j’aurais pu voyager jusqu’à ma mort, si ce n’était pas que le voyage a fini par m’ennuyer. « Le bout du monde ne m’approche guère du fond de mon âme! » Cette réalisation éclata dans mon esprit comme un coup de tonnerre. Je perdais mon temps!
Déçu, j’ai essayé la vie de moine, et ce pendant 40 jours. Mais j’y suis devenu léthargique et distant, comme une étoile solitaire, éloignée de toute galaxie. Je devais mettre fin à ce voyage, qui n’était devenu qu’un passe-temps détournant mon attention de profondes questions. Le désir de me connaître m’avait conduit au voyage, et voilà que ce même désir me ramenait chez moi.
Je ne cherche pas à dénigrer le voyage. En fait, je le recommande à tous ; surtout à ceux qui en ont peur. Par le voyage, ils verront que l’ennemi est plus rare qu’ils ne le croient, et l’ami, beaucoup plus près. L’étranger, l’imprévu ou le changement ; voilà des barrières qui ne freinent plus le voyageur aguerri. Ne plus avoir peur d’une longue attente, d’un changement de plan ou d’une rencontre imprévue : voilà qui a assoupli mon cœur ferme.
Voyagez! Mais si vous souhaitez vous y découvrir, voyagez pour vrai : sans plan, et avec un cœur naïf. Votre unique tâche sera de garder l’œil ouvert : le jour viendra où voyager perdra son sens. L’heure sera ainsi venue de vous transformer, et de bâtir votre vie.
Il est plus facile d’apprendre à voyager qu’à bien vivre. C’est pourquoi le voyageur doit continuer à bouger, car le mouvement masque ses véritables préoccupations. Que le voyage serve votre vie, et non le contraire! Et que je ne vous aperçoive pas vivre en attendant votre prochain voyage. Cela est la voie du drogué, qui ne vit que pour sa prochaine dose!
« Quand repars-tu? » me demande-t-on, à chaque soirée mondaine. Je ne le sais pas. Pour l’instant, je n’ai aucune envie de voyager. Le voyage a autrefois servi mon exploration, et cette exploration n’a jamais cessé. C’est justement le voyage qui est devenu un boulet au pied! Je me suis libéré du voyage pour mieux m’explorer. Peut-être ce vieil ami me rappellera-t-il bientôt?
Aimer sa vie entière comme on aime ses voyages. Voilà qui vous fera peut-être perdre l’envie de voyager.