Le Chien vous l’a déjà dit : il se méfie de ceux qui se présentent comme altruistes. Ce n’est pas parce qu’il n’a pas foi en la compassion ; au contraire, il l’a en haute estime. Mais le Chien n’est pas dupe: il sait combien il est difficile de transcender la jalousie, la frustration et l’amertume. C’est pour cela qu’il ne croit pas sur parole celle qui prétend être vertueuse.
J’ai observé ceux qui se vantent d’être charitables, et leurs actions ne sont pas à la hauteur de leur prétention. La générosité, comme la plupart des qualités, est une vertu que l’on préfère afficher que pratiquer. Si vous souhaitez que Paul fournisse une pierre à votre édifice, vous avez d’ailleurs intérêt à y forger son nom en lettres dorées, sans quoi il vous ignorera.
Regardez ceux qui donnent et, comme moi, vous remarquerez que certains donnent comme le soleil, et d’autres comme des sangsues.
Je vous le demande: comment le soleil donne-t-il? Ne rayonne-t-il pas sans peur de l’ombre, et à l’écart de tout désir de reconnaissance? La nature du soleil est de briller et ainsi, il éclaire tous ceux qui l’entoure. C’est alors qu’il s’illumine à son tour, car ce n’est qu’en délivrant ses voisins des ténèbres qu’il peut apprécier sa splendide lumière. Le soleil illumine-t-il plus les pauvres, les malades ou les gueux? Préfère-t-il le bourgeois au paysan? Vers tous, il projette sa lumière également ; par tous, sa lumière est reçue librement.
Mais qu’en est-il de la sangsue? La sangsue a besoin d’un hôte pour survivre, et ainsi, elle s’en approche silencieusement, jusqu’à s’y greffer. Les sangsues que vous rencontrerez chez les âmes charitables sont sournoises; elles prétendront vouloir votre bien pour que vous les gardiez près. Méfiez-vous-en : si elles veulent votre bien, ce n’est que pour vous siphonner plus longtemps.
Je nomme sangsues ceux qui pourchassent avidement des âmes fragiles pour les aider. Même bien intentionnées, elles se nourrissent de la misère des faibles pour gonfler leur ego de sauveur. Ces sangsues vous préfèrent tristes, car ainsi votre peau s’assouplit et vos veines rougissent. Prenez d’ailleurs garde : si elles vous aident et que vous oubliez de les remercier, elles vous maudiront.
Je me tiens à l’écart de celle qui a besoin d’aider ; je sais qu’elle sera prête à m’estropier, seulement pour servir de béquille.
Mais je ne devrais pas broyer du noir ainsi : il en existe qui rayonnent véritablement. Comme le soleil, ces perles ouvrent la main naturellement, sans attendre cupidement qu’on profite de leur générosité. Donner en étant qui nous sommes, sans forcer quiconque à accepter notre aide, voilà ce que je prescris.
On ne peut réellement aider ceux envers qui nous sommes dépendants. Soyez donc indépendants, souverains de vous-même et responsables de vos actions, vous en aiderez cent fois plus ainsi.