Tous les chiens ne sont pas pareils. Certains chiots jappent davantage et d’autres apprennent plus rapidement. La plupart des chiots sont adorables, tandis qu’une minorité n’évoque que la pitié. De nombreux chiots ont des maîtres généreux, mais quelques malchanceux sont mal-nourris. Devant ces différences, il n’est pas surprenant que chaque chiot récolte une vie lui étant propre.
La diversité des chiots a malheureusement un effet pervers : leur inégalité. Les chiots aussi ont des valeurs – peut-être la force, la ruse ou la bonne odeur? – et celles-ci ne sont pas manifestées également par chaque chiot. Voilà la naissance d’une hiérarchie! Cette structure pyramidale inévitable est-elle juste? Je dois dire qu’elle m’inquiète : ceux qui s’y trouvent en bas sont dangereusement loin du sommet ; seraient-ils même prisonniers de leur fâcheuse position?
Comment réconcilier la diversité et la liberté de chaque chiot avec cette dangereuse inégalité? Peut-être en remontant le plancher de la hiérarchie en formulant certains principes : tout chiot a le droit de poursuivre le succès et le bonheur! Redistribuons ainsi des croquettes au chiot mal-pris pour réduire l’effet de sa misère ; qu’elle soit due à sa malchance ou ses piètres choix. La dignité du chiot mérite qu’on lui tende la patte, même à répétition.
Toutefois, malgré l’aide offerte, l’égalité des chiots sera assurément limitée. Certains seront retreints par leurs capacités, d’autres par leur volonté ou même quelques-uns par leur irrémédiable mauvaise fortune. Que faire de cette inégalité persistante? Faut-il l’accepter? La possibilité pour chacun d’atteindre son plein potentiel : est-ce la seule mesure d’un système juste?
J’en vois pour qui cela n’est pas assez. « Tous doivent être égaux! » s’alarment-ils. « Mort à toutes les inégalités, peu importe leur cause, ou le prix à payer! » J’ai déjà entendu cette voix : c’est celle du tyran. Devant leur incapacité à tirer tous les chiots jusqu’en haut de la hiérarchie, ces justiciers autoproclamés s’irritent. Une idée sombre traverse soudain leur esprit, comme un éclair noir: « Qu’on écrase les chiots du sommet! ». Sous l’excuse de la compassion, les voilà devenus persécuteurs.
Voici leur révélation : la parfaite égalité ne peut être atteinte qu’en opprimant les chiots qui se démarquent de la meute. Vous prêchez pour l’égalité ; êtes-vous prêts à en payer le prix?
Vous cuisinez peut-être mieux que moi, mais si je jette nos gâteaux par terre, nous serons égaux.