la griffe du chien 🐶 wouf

Le troisième chemin

Le Chien, épuisé par ses deux quêtes infructueuses, ignorait maintenant comment orienter sa vie. Le premier chemin, celui du citoyen prospère, l’avait ennuyé à mourir. Le deuxième, celui du voyageur vagabond, l’avait amèrement déçu. Sur ces deux voies, le Chien avait rencontré les mêmes problèmes : riches comme pauvres, tous ne pensaient qu’à l’argent. Tandis que les uns poursuivaient la réussite financière, les autres entretenaient une haine viscérale de l’argent. Tous deux n’en avaient donc jamais assez! Esclaves de leur porte-feuille : voilà comment le Chien appelait ces braves gens.

Mais ces réflexions ne m’aidaient guère. Je devais résister à la tentation de me définir par opposition à ces deux chemins ; je devais transcender ces voies prévisibles où tous se ressemblaient, et vivre selon mes propres convictions.

« En existe-t-il un seul dont la vie ne soit pas menée par l’argent? » me suis-je demandé, découragé. « Est-il possible de vivre sainement, sans haine ni adoration, devant cet outil fort pratique? »

Mais que voulais-je réellement? Cela m’est apparu clairement : une vie où j’étais libre de poursuivre ce qui m’apparaissait significatif.

Je me suis donc trouvé une petite niche paisible où dormir et jouer ; cette simple trouvaille a satisfait mes exigences matérielles. Que me restait-il désormais à faire? Je l’ignorais. J’ai donc attendu. Je préférais ne rien faire que de glisser dans les premiers projets s’offrant à moi. C’est d’ailleurs le désavantage de la précarité : comme le faible caractère, elle force à dire « oui » à tout.

À partir de cette toile vierge abondante en temps libre, j’ai lentement ajouté quelques buts, et puis un ou deux engagements. J’approche ainsi peu à peu de mon objectif : un chemin où chaque pas est rempli de sens, car seulement ainsi peut-on justifier le fardeau du voyage.

Au lieu de copier une histoire pré-écrite, j’aspire à peindre moi-même une vie, au risque d’attirer des regards méfiants. Que deviens-je? Certainement pas un carriériste, mais pas un hippie non plus. Je suis un chien qui a cherché l’équilibre entre la responsabilité et la liberté ; trop du premier m’aliénait, mais trop peu, et je déprimais.

Je peux enfin affirmer avoir déniché une façon de vivre profondément agréable. Pour avoir vécu de plusieurs façons, je conclus ceci : la vie d’aristocrate est la plus belle qui soit. Consacrer un minimum de temps à sa propre suffisance matérielle, et le reste au développement de soi-même, à la poursuite de projets significatifs et à la création ; voilà ma vision d’une vie bien vécue.

Le luxe des riches ne suscitent plus mon envie, mais la précarité des pauvres non plus : j’ai donc choisi, comme Picasso, de vivre en pauvre, mais avec beaucoup d’argent.

Une retraite précoce et une vie d’aristocrate ; voilà le fruit qui attend celle qui découvre la rare symbiose entre la prospérité et la simplicité.



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