la griffe du chien 🐶 wouf

La retraite

La retraite est un appât doré permettant à plusieurs de tolérer leur vie. La voyant comme l’antidote à leur existence faible en couleurs, beaucoup semblent attendre leur retraite pour vivre.

« Il ne me reste que deux ans! » ai-je récemment entendu. Le regard éteint, un homme partageait sa misère, comme pour fraterniser. Moi qui pensais avoir affaire à un prisonnier, je lui ai demandé la raison de sa malheureuse sentence. « Il faut bien que je travaille! » m’a-t-il répondu, offusqué.

C’est donc son travail que cet homme déteste autant. Âgé de plus d’un demi-siècle, il n’a pas encore réussi à trouver une façon agréable de gagner de l’argent. Blasé, il trouve dans la retraite son dernier espoir. Au moins, une fois retraité, il n’aura pas à tolérer son ennuyeux travail. Le pauvre, j’ai une mauvaise nouvelle pour lui : la retraite ne le libérera pas de lui-même.

Étant un chien, j’ai l’avantage d’être né retraité. Certes, la retraite m’offre une grande liberté, mais celle-ci n’est pas satisfaisante en soi. La retraite n’est qu’une toile vierge. Qu’y peindrez-vous? Voilà la vraie question!

Je vous entends vanter, les yeux pleins de désir, tous vos projets de retraite. Vous voulez devenir voyageur, musicien, bénévole, magicien et maître-plongeur. « À la retraite, tout deviendra si facile » dites-vous. Vous prendrez enfin le temps de bien manger, et en profiterez même pour vous remettre en forme!

Celui qui attend sa retraite pour reprendre le contrôle de sa vie me fait penser au fumeur qui attend le nouvel an pour arrêter la nicotine. Je lui souhaite bonne chance, mais ne parierais pas un sou en sa faveur. Miseriez-vous sur un coureur qui ne s’entraîne pas? Si ces projets vous étaient vraiment importants, vous leur feriez une place!

La retraite ne transforme personne. Comme l’argent, elle ne fait qu’amplifier qui vous êtes déjà. Rares sont ceux qui se créent une nouvelle vie après la soixantaine. J’en vois surtout qui solidifient leurs habitudes et qui priorisent le confort et la facilité. Après tout, la retraite est le dénouement de la vie active, pas son commencement.

Parmi les retraités que je connais, certains s’empirent, d’autres s’améliorent, mais personne ne change. Ceux qui s’alimentaient bien mangent encore mieux, et ceux qui étaient pressés au travail ont trouvé de nouveaux stress. Celui qui attendait le moment rêvé pour se remettre à peindre n’a pas encore touché de pinceau.

Il est inconfortable de réaliser que nos propres choix ont façonné notre vie. C’est pourquoi tant de gens entretiennent une précieuse collection d’excuses. Celle-ci leur permet de refouler leur culpabilité face à leur vie insatisfaisante.

Je vous l’annonce : pourchasser la retraite est une stratégie perdante. Comme la prisonnière comptant ses jours restants, celle qui attend sa retraite pour réellement vivre transforme le présent en vulgaire moyen. Non seulement gaspille-t-elle son énergie en s’accrochant à un futur incertain, mais elle développe aussi une terrible habitude : celle d’être misérable.

Être heureux, comme être pressé, n’est qu’une habitude mentale. Celui qui rêve à sa retraite entretient l’habitude d’être malheureux dans le présent. Ne pouvant voir le bonheur ailleurs que dans le futur, il sera bien mal pris à sa retraite. Son cerveau aura oublié comment être heureux. Il trouvera d’autres raisons pour justifier son insatisfaction. Après tout, c’est tout ce qu’il aura appris à faire.

Bâtissez-vous une vie n’ayant pas besoin d’être justifiée par le lendemain, et vous serez libérés de la retraite.



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