Le Chien emprunte rarement l’autoroute. À moins de travailler, il préfère ralentir et remarquer ce qui l’entoure. Lorsqu’il court, il perd de vue le contexte de ses actions et égare ainsi sa conscience.
Je me surprends parfois à être pressé. Cela me déplaît beaucoup, car dans ces moments, je deviens un robot. « Finir ceci » pour ensuite « terminer cela » ; voilà à quoi se rabaissent mes pensées quand je suis pressé. En courant de tâche en tâche, je traite mon environnement comme une usine. « Vite! » lui dis-je, « Obéis à mes ambitions! Je n’ai pas le temps de t’apprécier! »
Nos outils modernes encouragent cette façon de vivre effrénée. Le travailleur occupé a d’ailleurs créé l’autoroute à l’image de sa vie : rapide, prévisible et peu originale. « Qui a le temps d’observer le paysage? » s’irrite-t-il, en parcourant une route de campagne. « La seule valeur de mon chemin est sa destination. Qu’on m’y téléporte au plus vite! »
S’empresser, c’est devenir aveugle à son parcours. Comme sur l’autoroute, on augmente notre vitesse et on néglige le paysage. Ennuyé, on y enclenche le pilote automatique. « Enfin! se dit-on, « je peux m’occuper autrement! » Voilà pourquoi les gens pressés font tant de gaffes : préoccupés par où ils vont, ils oublient où ils sont. J’en vois qui vivent ainsi, les épaules tendues et les yeux vides : ils rêvent à un mirage futur.
Se démener ainsi est dangereux. Celle qui prend l’habitude de pourchasser le fruit de ses actions transforme sa vie en autoroute : une existence rapide, pragmatique, mais vide de sens. « Je ne vois rien défiler, car je vais vite! » s’écrie-t-elle, avide d’accomplissement. Mais elle refoule son destin… Ou se croit-elle éternelle?
Vivre le feu au derrière, c’est réduire ses journées en sprints angoissants. Une vie ainsi vécue devient une corvée. Et à force de courir aveuglément, on atteindra rapidement sa propre ligne d’arrivée. À bout de souffle, une angoisse nous saisira par les tripes : c’est notre vie qui se conclut.
Nous a-t-elle glissé entre les doigts?