la griffe du chien 🐶 wouf

La pensée

Le Chien vénérait autrefois les pensées. Avide de compréhension et de connaissances, il jonglait sans cesse d’une pensée à l’autre. C’était d’ailleurs le but de ses lectures : alimenter son train mental de nouveaux concepts et idées. Il voyait dans cette poursuite un antidote au brouillard qui l’entourait.

Cette habitude de penser le suivait depuis qu’il était chiot. Elle l’avait doté d’une petite voix infatigable. Ses pensées, qui se complexifiaient et s’intensifiaient, devenaient d’ailleurs lourdes à porter. Il lui était maintenant difficile de voir, d’entendre ou de toucher sans penser. Cela nuisait même à son sommeil!

Le Chien s’était fait prendre à son propre jeu. Croyant que penser le rapprocherait de la réalité, il avait vendu son âme à son cerveau ; le voilà qui récoltait les tourments d’une existence dirigée par l’intellect.

La pensée est un outil mental pratique. Elle simplifie et immobilise la réalité, et la rend intelligible. Pratiques aux fins d’analyse, les pensées s’avèrent vite limitantes si on leur prête trop de pouvoir. C’est d’ailleurs le problème de tous les outils : pour le marteau, tout est un clou ; pour le penseur, tout est un concept.

Celui qui se réfugie dans la pensée se protège de ses sensations, qui sont chaotiques et imprévisibles. Quel confort, surtout pour celle n’étant pas pauvre en intelligence, de s’enfermer dans un monde de concepts! En vivant dans un train perpétuel de pensées, elle s’assure de ne jamais plonger dans sa propre expérience, et limite ainsi sa vulnérabilité.

La pensée est un outil pratique mais une piètre hygiène de vie. Mettez de côté vos pensées lorsqu’elles ne servent pas d’objectif précis ; votre paix d’esprit aura tôt fait de vous remercier. Le chien sollicite désormais rarement ses pensées ; il y voit beaucoup plus clair.



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