Pour les humains, l’intelligence d’un chien se mesure par sa capacité à obéir. Il n’est pas surprenant que vous préfériez les cabots qui ne contestent pas l’autorité, avez-vous vu les tours que vous leur imposez? « Regarde comme il est doué, il peut tourner sur lui-même! » s’écrie le « maître », jubilant devant cet instant d’autorité facile. Sous vos critères, je me réjouis de ne pas être un génie!
Bien des humains sont, d’une certaine façon, des chiens. Trop dociles, on a dressé leur intelligence pour qu’elle serve des objectifs précis, sans questionner les règlements.
Vos écoles encadrent votre intelligence, en vous enseignant qu’elle doit être mise à profit de la connaissance et de l’obéissance. On y apprend que la raison sert à accumuler des faits, et que l’étudiant intelligent doit respecter les consignes. À grands coups de notes, vos professeurs sculptent vos pensées ; les bons élèves finissent même convaincus qu’ils ont eux-mêmes choisi d’être si dociles.
Voici ma protestation : ce système d’éducation n’est pas digne de porter son nom. Plutôt que de célébrer les forces uniques de chacun, il uniformise les individus. Ce système fournit des connaissances de base à chacun, mais celle qui cherche à s’y développer plus profondément sera bien mal servie.
Ne limitez pas votre intelligence à la connaissance. La savoir est un cul-de-sac, un bateau sans gouvernail. N’y cherchez pas de réponse : vous vous y égarerez.
Certes, il ne serait pas sage de se priver de connaissance. Toutefois, la vraie intelligence sait imposer une limite au savoir. Trop souvent, la poursuite de la connaissance est entretenue par une soif insatiable de tout comprendre et de tout savoir. Je la compare à l’avidité du riche, qui le condamne à vivre insatisfait. La connaissance n’a pas de valeur en soi ; elle doit être une échelle vous élevant vers la sagesse!
La sagesse diffère de la connaissance par son pouvoir transformateur. Provoquée par l’expérience directe, elle dépasse le simple niveau intellectuel. Au lieu d’apposer des concepts sur nos perceptions – n’est-ce pas la seule fonction des connaissances? – la sagesse les suspend, pour en faire l’expérience clairement et sobrement. Voilà pourquoi lire sur la forêt n’a rien à voir avec y marcher.
Employez votre intelligence à vous connaître vous-même, vous y trouverez plus de sagesse que dans tous les livres. Je vous l’annonce, la vérité est à l’épreuve de la raison!