Je vous ai récemment parlé d’activistes. Maintenant, parlons de leur hantise : la responsabilité.
J’en connais qui dédient leur temps à proclamer leur message bruyamment. Certaines de leurs paroles ont beau m’attirer, leur personne éveille mon scepticisme. Mon flair de cabot détecte facilement l’hypocrisie, et il m’est impossible de faire confiance à celui dont le quotidien n’est pas à la hauteur de la manifestation.
Vous prêchez les transformations radicales ; je vous enseigne la responsabilité. À celle qui prône justement le devoir collectif, je demande ceci : tes revendications s’enracinent-elles dans ta propre responsabilité? La paix règne-t-elle au cœur de ta famille? Ta générosité brille-t-elle chez tes semblables? Ton propre environnement reflète-t-il l’harmonie que tu revendiques? Celui qui tourne le dos à ces combats serait hypocrite d’exiger du reste du monde ce qu’il ne s’offre même pas soi-même.
Démontre-moi l’évidence de ta vertu et de ta compétence au sein de ces petites structures, et alors j’accorderai une valeur à ce que tu prêches. Je te mets toutefois en garde, la responsabilité transforme ceux qui l’adoptent.
Je l’avoue, je doute grandement de la pureté des intentions des justiciers autoproclamés. Cela n’est pas par mauvaise foi, mais bien parce que je sais que la vertu est profondément difficile. J’ai observé attentivement ces combattants, et j’y ai découvert leur secret. Leur regard et leurs paroles transpirent la haine des grands, et non l’amour des petits. Celui qui est guidé par ces sentiments ne mérite pas ma confiance, car elle lui conférerait un pouvoir qu’il n’a pas la grandeur de porter.
L’aura du bienfaiteur est trop enviable pour n’attirer que de nobles individus. Voilà pourquoi on doit se méfier de celle se proclamant libératrice. Rien n’est plus dangereux et meurtrier qu’un messie névrosé : celui qui s’attache trop à son rôle de sauveur sèmerait la zizanie en son paisible village, seulement pour le sauver.
Il est facile d’être héroïque sous les projecteurs, mais maintenez-vous votre vertu dans votre plus intime solitude? Développez-vous à l’image d’un chien Mira, dont la responsabilité n’est pas ébranlée par les caresses! Je vous invite à évaluer la pureté de votre propre cœur en posant une bonne action dans l’ombre ; serez-vous capables d’être vertueux de façon humble et privée? Sans cette capacité, vous n’êtes aucunement prêts pour l’action publique.
La vraie responsabilité est difficile, car elle n’est ni accompagnée de porte-voix, ni de tapes sur l’épaule.
Soyez un grand faiseur, au risque d’être petit parleur!