la griffe du chien 🐶 wouf

L’intoxiqué

Les humains condamnent vite la droguée qui sature sa vie d’ivresse, de plaisirs éphémères et d’inconscience. « Quel est son problème ? », s’inquiètent-ils hautainement, « ne peut-elle pas vivre sans béquille ? »

J’aimerais bien vous voir essayer de « vivre sans béquille ! » À quelle fréquence vous intoxiquez-vous ? J’en entends déjà proclamer fièrement leur sobriété : « je ne m’intoxique jamais, je ne bois même pas de café ! »

Ne soyez pas si hâtif. L’intoxication s’étend au-delà de quelques substances illicites ; très rares sont ceux qui passent une seule journée sans s’intoxiquer !

Vivre sans drogue n’est pas difficile ; il ne suffit pour cela que d’être avare ou intolérant aux maux de tête. S’abstenir d’intoxication, toutefois, est un défi de taille. Comme le minimaliste voulant éteindre ses désirs par la force, celui qui se sèvre d’intoxication sans s’y préparer y détruira sa paix d’esprit.

Être un chien, c’est passer beaucoup de temps à ne rien faire, et ce, sobrement. Cette capacité est étrangère aux humains, qui s’éloignent du vide en remplissant leur temps libre de distractions. Je me suis longtemps demandé ce qui motivait l’utilisation compulsive de cellulaires, de télévision et d’autres stimuli semblables. Ces activités, bien que plaisantes à petites doses, semblent vite rendre misérables ceux qui s’y réfugient trop souvent. J’ai finalement compris en observant un drogué.

Quelle est la différence entre le drogué obtenant son réconfort dans l’inhalation de fumée herbeuse, et le civil, qui en présence de temps libre, s’empresse de « décrocher » en se clouant à une télésérie ? Celui qui s’intoxique cherche à échapper temporairement à ses propres pensées. Pour ce faire, il peut fumer de la drogue, faire défiler son fil de nouvelles ou plonger compulsivement dans son travail. Ces intoxicants proviennent tous du même désir : fuir la réalité.

Je vous invite, lors d’une prochaine distraction collective, à prendre un recul pour scruter furtivement le visage des convives. Y verrez-vous des expressions heureuses et comblées, ou enivrées et inconscientes ? Profitez-en aussi pour aussi pour observer les intoxicants auxquels tous sont dépendants. Vous aurez du mal à en trouver un seul qui ne soit pas accroc à ses expériences favorites :

Certes, il est bien de remplacer des dépendances malsaines par des alternatives moins destructrices ; mais pourquoi auriez-vous besoin de béquilles? Voici la proposition du chien : transcender la dépendance et vivre sans intoxicant.

Un récent principe du chien, et un des seuls, est d’éliminer l’inconscience de sa vie. Cela est une véritable cure de désintoxication ; vous m’apercevrez peut-être rechuter, cellulaire en main et les yeux vitreux. Je vous invite à m’y gifler, afin que l’on avorte ensemble cette tendance à fuir l’existence !

Sauf en période de sommeil profond, je me résous à demeurer alerte et attentif.



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