L’humain aime appartenir à un clan, car cela le fait sentir solide et puissant. Ce clan lui fournit non seulement des camarades qui partagent son allégeance, mais aussi des ennemis, qui la rejettent.
« Voici mon groupe, et voilà notre ennemi! » s’écrie le récent membre du clan, en pointant « l’autre » d’un doigt farouche. En affirmant son appartenance au groupe, il masque ses propres lacunes et endort ses peurs. Au chaud parmi ses camarades, il n’a plus à affronter l’inconnu par lui-même. Il peut même déléguer au groupe une partie de sa conscience!
Ce groupe n’est toutefois pas éternel. Un jour, un membre remarque que son clan n’est pas homogène. Certains fêtent Noël, et d’autres Vesak ; plusieurs courent rapidement, alors qu’un pauvre a les pieds plats. C’est ainsi que le clan se divise en sous-clans. Le membre est alors pris au piège : il doit choisir son nouveau camp! Mais quoiqu’il choisisse, le résultat sera le même : ce dilemme le laissera avec moins d’amis, et un peu plus d’ennemis.
Et cela n’est pas la fin des divisions. Ces sous-groupes déjà fractionnés ne sont toujours pas homogènes. Une nouvelle différence attirera l’attention, et entraînera un nouveau cycle de divisions. À long terme, chaque groupe se fragmentera jusqu’à ce que tous soient seuls. Que ce soit la couleur, la taille, l’intelligence, la beauté ou la force, celui a soif de schisme trouvera sans cesse des raisons de semer la zizanie. L’histoire ne témoigne-t-elle pas de la capacité sans fin qu’a l’humain à se différencier et à se diviser? À transformer son voisin en ennemi?
La différenciation, poussée jusqu’à son inévitable conclusion, produit l’atome de la société : l’individu. Chacun est unique, et donc différent. Vu du mauvais œil, il deviendra l’autre. Au contraire, l’œil bienveillant y verra là une bonne nouvelle : « Nous sommes tous uniques! N’est-ce pas une qualité qui nous rassemble? »
Il existe deux manières de rallier l’humain afin qu’il travaille pour le bien commun. La première façon est celle du tyran, qui écrase l’individu en le soumettant au groupe. C’est la voie de la propagande et de la domination. Pour l’oppresseur, les différences doivent être éliminées et les civils, homogénéisés.
Il existe toutefois une autre manière de rassembler les individus sans les écraser : en leur pointant ce qu’ils ont en commun. Nous partageons tous les mêmes vulnérabilités. Chaque humain est un être mortel pour qui la souffrance n’est jamais bien loin. Voilà la raison fondamentale de se rassembler nos efforts et d’œuvrer pour le bien collectif.