Pour le chien sain, la vie est une succession d’aventures et de jeux. Ce chien intrépide ne connait pas la peur du risque. Pour lui, exister, c’est explorer ; découvrir. Offrez-lui un peu de beurre d’arachide et vous le constaterez vous-même : il n’a pas égaré son âme de chiot.
Cependant, tous les chiens ne sont pas si vigoureux. Le bonheur d’un chien est intimement lié à la qualité de son maître, et certains, malchanceux, sont prisonniers d’individus passifs et égoïstes. Cette malédiction brise leur cœur jovial, et leur fait perdre le goût à l’aventure. L’enthousiasme de l’humain est contagieux, mais sa torpeur aussi.
Beaucoup d’humains ont effectivement perdu leur amour pour l’aventure, et ce, depuis longtemps. Du travail stable au partenaire prévisible, en passant par le divertissement facile, toute leur vie est conçue pour masquer les territoires inexplorés. Ils habitent ainsi un univers confortable, mais artificiel. Cette vie monotone est dangereuse, car une subtile mort y est assurée : on n’y vit pas, on y survit.
L’humain dont je me méfie le plus est celui qui ne désire plus l’aventure. Animé, ironiquement, par une profonde inconscience, cet être me paraît vide, distant et ennuyant. Il m’est impossible de faire confiance à celle qui est aveuglée par la peur de l’inconnu. Me poignardera-t-elle dans l’ombre, me confondant avec un étranger? Elle serait bien sûr trop craintive pour cela, mais je sais qu’elle préfère me garder à l’écart ; son regard fuyant et son sourire tolérant me l’ont avoué.
La passivité, un récent luxe proprement humain, engourdit la conscience. L’antidote à ce somnifère est l’aventure. Comme le chien, votre équilibre ne peut être maintenu que si vous continuez à explorer. Renier l’aventure, c’est rejeter sa propre capacité à surmonter l’inconnu, et ainsi s’atrophier soi-même.
Je vous l’annonce, la nature de l’humain est avide d’aventure. Celui qui n’y prend pas part directement en recherchera inconsciemment, et cela peut être coûteux. Voilà d’où vient le mystérieux attrait du sport extrême, de l’intoxication ou du téléroman – particulièrement doué pour faire croire, à tort, que l’on participe à d’intéressantes péripéties. Choisissez prudemment vos aventures!
Trop d’ordre et trop peu de chaos, cela inhibe le cœur et éteint l’âme.