Le Chien vous l’a déjà dit : sa vie est facile. Comment en serait-il autrement? Par chance, il est né à une époque où se nourrir, se vêtir et se loger ne demande que quelques heures d’efforts chaque semaine. Quelle différence avec ses ancêtres! Affamés, ils passaient leurs journées à pourchasser de maigres repas.
Cette aisance en choque d’ailleurs quelques-uns. « La vie n’est pas si facile! », s’exclament-ils, sourcils froncés et bras en l’air. Souhaiteraient-ils provoquer en moi la pitié, voire la charité? Ils ignorent que ces fausses vertus m’ont quitté depuis longtemps. J’ai cessé de traiter quiconque comme faible : j’encourage, mais sans pitié ; je donne, mais jamais la charité.
Pour en revenir à leur plainte, ils ont en quelque sorte raison : la vie n’est pas forcément si facile. La vie peut même être un véritable calvaire pour celui s’obstinant à devenir son ennemi. Mais malgré les habiles excuses qu’on puisse tricoter, vivre n’a jamais été aussi facile et sécuritaire, surtout pour ceux ayant le loisir de lire ces mots.
Lorsque j’entends que la vie n’est pas facile, je roule mes yeux de cabot. Qu’espère-t-on au juste? Une vie sans responsabilité, inconfort ou compromis? Une suite de divertissements et d’attroupements sociaux futiles nous transportant doucement jusqu’à notre décès? Cela n’est pas un paradis : c’est un foyer de vieillards!
La vie est facile, mais heureusement, pas trop. Sans sa part de souffrance, elle ne serait qu’une succession de mots-croisés, un passe-temps précédant la mort. Et que deviendrions-nous sans difficultés? Je vous présente l’empereur de la facilité : c’est un petit gros, et il se lève tard.
Comptons-nous chanceux : les quelques défis restants nous forcent à grandir.