la griffe du chien 🐶 wouf

La musique

Le Chien affectionne spécialement la musique. Elle entraîne son esprit dans une zone libre où ses jugements sont suspendus au profit d’un esthétisme mélodieux. Il préfère d’ailleurs la musique sans paroles : elle l’aide à plonger dans un état libre de pensées. Cette expérience auditive est universelle, et ne peut être réduite à un message politisé renforçant l’identité de groupe : voilà pourquoi aucune hymne n’est instrumentale.

J’aime particulièrement la musique devant être apprivoisée pour être appréciée. Cette adaptation auditive tire l’individu vers le haut en exigeant de lui une plus grande sensibilité à son expérience. Elle l’aide ainsi à se dépasser soi-même. La musique doit rester sacrée, et c’est pourquoi la musique s’efforçant d’être grossière pour tailler sa place provoque mon dédain. Ces piètres bourdonnements désensibilisent l’individu brut, et le privent ainsi des fruits extatiques d’une musique raffinée.

Souvent, le civil exige que ses expériences soient faciles et accessibles. Ce faisant, il rejette les divertissements, tâches et discussions qui ne s’agenouillent pas devant lui. Confronté à une oeuvre d’art ne chatouillant pas ses sens léthargiques, il se resserrera davantage. D’un coup de tête dédaigneux, il grimacera et crachera ce qui lui semble illusoire et prétentieux. Sa bassesse aussi a un instinct de survie : la voilà loin de s’éteindre!

La subtilité de la musique est un précieux antidote; elle ravive l’âme engourdie. Celui qui l’utilise ainsi pour se raffiner remarquera une musique encore plus délicate et sous-entendue : ce sera l’illumination de ses oreilles. Pour cet individu éveillé, la musique n’aura plus besoin d’instruments, ou plutôt, l’existence se transformera elle-même en instrument. La pièce musicale ne deviendra alors qu’une minuscule facette d’une musique incessante et profonde imprégnant toute sa vie.

La sensibilité auditive du Chien l’empêche parfois de remarquer la fin d’une pièce. Certains instruments s’arrêtent et révèlent leur discret arrière-plan ; est-ce cela que vous nommez la fin? N’est-ce pas là une suite infinie de sons, de questions et de réponses, qui se succèdent et s’influencent? La musique n’est que l’embellissement du silence, qui n’est en vérité qu’une somme d’harmonies tempérées. La fin d’une pièce n’est qu’une transition : la musique d’arrière-plan passe à l’avant-plan.

N’égarez pas la trame sonore qui soutient votre vie : comme votre respiration, elle vous ancrera en vous empêchant de sombrer dans le dialogue répétitif de votre petite voix. Voilà le secret du compositeur, qui excelle avant tout par son écoute raffinée et sensible. Comme il l’affirmerait lui-même, il ne crée rien : il ne fait qu’amplifier l’ordre émergeant naturellement du chaos. Remarquez-vous le concert qui émerge des bruits infatigables vous entourant?

« Où n’y a-t-il pas de musique? » se demande le Chien. « Entre deux mouvements d’une composition? Chez le sourd? Dans l’abîme d’un sommeil profond? » Le Chien s’est aiguisé, et a remarqué ceci : le silence n’est qu’une illusion du cerveau insensible et préoccupé. Celle dont l’ouïe est fine et la petite voix paisible appréciera une symphonie sans pause. Elle aura dissipé le brouillard du silence.



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