la griffe du chien 🐶 wouf

La chance

Certains trouvent le chien chanceux : il semble jouir d’une vie plaisante et peu contraignante. Détrompez-vous, c’est plutôt par mauvaise fortune qu’il s’est résolu à cette existence.

Il est plus difficile d’emprunter un chemin peu fréquenté que de suivre les normes établies. Ceux qui s’aventurent dans la marginalité ne le font pas par plaisir, mais par frustration. Insatisfaits par le scénario qui leur est proposé, ils tentent d’improviser une vie plus agréable.

Comptez-vous chanceux si les quêtes mondaines réussissent à vous tenir en haleine, car cela vous rend la vie moins ardue. Vivre sans appétit pour ces appâts est une malédiction qui oblige à nager à contre-courant. Celui dont le cerveau peut apprécier un centre commercial, s’accrocher devant une télésérie et tolérer un trafic quotidien semble jouir d’un contentement simple qui m’est étranger.

Quelle chance d’être emballé par ce mode de vie! Ce n’est malheureusement pas mon cas. La ligne directrice m’étant autrefois proposée m’ennuyait à mourir ; j’y aurais préféré l’ermitage. Pour l’avoir essayé, je vous le confirme : un monastère me plaît davantage qu’une carrière.

J’en aperçois souvent qui, comme moi, sont incapables de participer à cette course. Même les gens « fonctionnels » vivent rarement sans précieuses échappatoires. Je soupçonne d’ailleurs que beaucoup se droguent – que ce soit à l’aide de pilules le matin ou d’ivresse le vendredi soir – justement pour tolérer leur vie. S’intoxiquer pour rester fonctionnel est plus facile que requestionner sa vie.

Par malchance, je suis incapable de me réjouir d’un examen réussi ou d’une récente promotion. Ces accomplissements me laissent indifférent et cela m’oblige à rechercher la satisfaction ailleurs. J’ai ainsi élaboré une stratégie pour m’évader de cette prison moderne nommée « la vie d’adulte ». Plutôt que de me résigner à cette existence monotone, je me suis transformé en chien.

Ma malédiction est ainsi devenue bénédiction.



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